dimanche 3 février 2013

Agir gratuitement, une illusion?





Laurence Harang, philosophe et professeur de philosophie au Lycée Bonaparte à Toulon, publie ce mois-ci un ouvrage de philosophie morale intitulé « Agir gratuitement, la grande illusion ? » aux Presses de la Renaissance. La quatrième de couverture nous précise le sujet du livre : « L’homme est un animal comme les autres, il a des dispositions à faire le bien et à agir avec altruisme… mais jamais de manière purement désintéressée. »
Et c’est précisément ce que va s’employer à nous montrer l’ouvrage, que bien des qualités que l’on a pu juger autrefois comme spécifiquement humaines se retrouvent aussi dans le monde animal, certes souvent à des degrés plus élémentaires, mais sans qu’il y ait une véritable différence de nature entre l’homme et les autres animaux. De ce point de vue, il faut le dire l’ouvrage est très convaincant, illustrant son propos par de nombreux exemples : on se rappellera ainsi de ce cas tout à fait étonnant d’une femelle singe recueillant un oiseau blessé dans un zoo et mettant en œuvre une démarche complexe pour lui permettre de se rétablir de son choc et ensuite de s’envoler ! L’intelligence pratique et par la même occasion le sens moral dont a fait preuve ce singe sont effectivement tout à fait admirables et ne laissent pas de nous interroger.
La première qualité de l’ouvrage de Laurence Harang réside précisément dans ce recours régulier aux témoignages concrets, toujours racontés dans le détail et d’une manière éclairante pour notre compréhension de l’attitude morale humaine, dont on trouve la source dans le monde animal. Loin d’une théorisation abstraite, cet essai philosophique se veut extrêmement accessible et à cet égard le pari est tout à fait réussi. Certes, comme l’auteur le concède, il ne s’agit pas ici de définir de manière exhaustive et irréfutable en quoi consiste exactement la nature humaine. Mais, au gré de réflexions et de cas concrets dont on peut tirer des conclusions plus générales, de pointer notamment ces dispositions à éprouver un souci pour autrui qui rattachent l’homme, paradoxalement et contrairement à ce que l’on a pu longtemps croire, au reste du règne animal, et en particulier aux animaux évolués.

Savoir se mettre à la portée du lecteur, pas forcément philosophe mais désireux par exemple d’approfondir les liens profonds existant entre le monde animal et l’être humain, au travers d’un propos clair et informé, voilà sans doute une qualité fondamentale pour un philosophe contemporain. Qualité d’autant plus fondamentale s’agissant d’un domaine, la cause animale et le refus de traiter avec mépris ceux que l’on appelait autrefois nos « frères inférieurs », qui appelle, parfois de manière urgente et concrète, à la mobilisation de tous. À cette sensibilisation, le livre de Laurence Harang participe activement et ce n’est pas la moindre de ses vertus.