Laurence Harang, philosophe et professeur de
philosophie au Lycée Bonaparte à Toulon, publie ce mois-ci un ouvrage de
philosophie morale intitulé « Agir gratuitement, la grande
illusion ? » aux Presses de la Renaissance. La quatrième de couverture
nous précise le sujet du livre : « L’homme est un animal comme les
autres, il a des dispositions à faire le bien et à agir avec altruisme… mais
jamais de manière purement désintéressée. »
Et c’est précisément ce que va s’employer à nous
montrer l’ouvrage, que bien des qualités que l’on a pu juger autrefois comme
spécifiquement humaines se retrouvent aussi dans le monde animal, certes
souvent à des degrés plus élémentaires, mais sans qu’il y ait une véritable
différence de nature entre l’homme et les autres animaux. De ce point de vue,
il faut le dire l’ouvrage est très convaincant, illustrant son propos par de
nombreux exemples : on se rappellera ainsi de ce cas tout à fait étonnant
d’une femelle singe recueillant un oiseau blessé dans un zoo et mettant en
œuvre une démarche complexe pour lui permettre de se rétablir de son choc et
ensuite de s’envoler ! L’intelligence pratique et par la même occasion le
sens moral dont a fait preuve ce singe sont effectivement tout à fait
admirables et ne laissent pas de nous interroger.
La première qualité de l’ouvrage de Laurence
Harang réside précisément dans ce recours régulier aux témoignages concrets,
toujours racontés dans le détail et d’une manière éclairante pour notre
compréhension de l’attitude morale humaine, dont on trouve la source dans le
monde animal. Loin d’une théorisation abstraite, cet essai philosophique se
veut extrêmement accessible et à cet égard le pari est tout à fait réussi.
Certes, comme l’auteur le concède, il ne s’agit pas ici de définir de manière
exhaustive et irréfutable en quoi consiste exactement la nature humaine. Mais,
au gré de réflexions et de cas concrets dont on peut tirer des conclusions plus
générales, de pointer notamment ces dispositions à éprouver un souci pour
autrui qui rattachent l’homme, paradoxalement et contrairement à ce que l’on a
pu longtemps croire, au reste du règne animal, et en particulier aux animaux
évolués.
Savoir se mettre à la portée du lecteur, pas
forcément philosophe mais désireux par exemple d’approfondir les liens profonds
existant entre le monde animal et l’être humain, au travers d’un propos clair
et informé, voilà sans doute une qualité fondamentale pour un philosophe
contemporain. Qualité d’autant plus fondamentale s’agissant d’un domaine, la
cause animale et le refus de traiter avec mépris ceux que l’on appelait
autrefois nos « frères inférieurs », qui appelle, parfois de manière
urgente et concrète, à la mobilisation de tous. À cette sensibilisation, le
livre de Laurence Harang participe activement et ce n’est pas la moindre de ses
vertus.